segunda-feira, 31 de março de 2014

Manuel Valls, l'évidence


Manuel Valls, l'évidence
Par Renaud Dély
Publié le 31-03-2014

Comme souvent, ce n’est pas le président de la République qui choisit le nouveau Premier ministre. C’est la situation politique qui le lui impose.
Valls, comme une évidence. Valls, comme une solution. Valls, comme une bouée de sauvetage. Au lendemain de la Bérézina électorale des municipales, le ministre de l’Intérieur s’imposait comme la seule solution à gauche pour succéder à Jean-Marc Ayrault à Matignon. Il s'imposait à François Hollande quand bien même le chef de l’Etat manifestait quelques réticences à nommer si tôt ce jeune homme si pressé. Le président n’a pas finassé. Il a eu raison.

S’il entend encore sauver la fin de son mandat, voire conserver de bonnes chances d'en conquérir un deuxième, il n’avait d’autre échappatoire que de propulser Manuel Valls au poste de Premier ministre. Car sur ce point aussi, la Constitution de la Ve République est mensongère. Dans les textes, ce choix du chef du gouvernement, si crucial, si déterminant, appartient au seul président de la République. Il fait partie de la panoplie de la toute-puissance élyséenne. Dans les faits, la plupart du temps, la situation politique l’impose au chef de l’Etat.

Un choix qui souvent s'impose au président

Pour avoir prétendu jouir de son bon plaisir en nommant en 1976 sa "créature", Raymond Barre, contre l’avis de la grande majorité des forces conservatrices, Valéry Giscard d’Estaing s’est imposé une cohabitation houleuse avec le RPR qui l’a conduit à la défaite de 1981. Pour avoir refusé de promouvoir Nicolas Sarkozy à Matignon quand le "peuple de droite" le réclamait, jusqu’à lui préférer Jean-Pierre Raffarin en 2002, puis Dominique de Villepin en 2005, Jacques Chirac a ouvert sa succession dès sa réélection et fait de son second mandat une lente agonie secouée par une interminable guerre interne à son camp entre anti et pro-sarkozystes.

A l’inverse, François Mitterrand n’a pas biaisé en 1988 en choisissant son meilleur ennemi, Michel Rocard, issue logique d’une réélection rassembleuse sur fond de "France unie". De même, Nicolas Sarkozy avait-il fini par se rendre à l’évidence à l’automne 2010 en gardant François Fillon, soutenu par le groupe UMP à l’Assemblée, plutôt que de le remplacer par Jean-Louis Borloo.

Cette fois encore, Manuel Valls, donc, s’imposait au président. Certes, le nouveau Premier ministre est contesté au sein du PS, en tous cas sur sa frange gauche, et plus encore chez ses partenaires écologistes. Trop ferme, trop autoritaire, bref, trop "droitier", disent-ils. Manuel Valls le sait qui s'attend à de chaudes heures à l’Assemblée nationale pour mater cette majorité aussi rebelle que désemparée, et ce, dès l’adoption du futur du pacte de responsabilité.

Mais c’est justement parce que François Hollande ne songe pas à remettre en cause cette politique de redressement des comptes publics, d’allègement du coût du travail et d’amélioration de la compétitivité de notre appareil industriel que Manuel Valls était devenu incontournable. La reprise tarde, les objectifs de réduction des déficits publics ne sont pas atteints, le chômage continue de s’envoler, et Bruxelles s’impatiente. L'urgence commande même de trouver 50 milliards d’euros d'économies dans la dépense publique. Qui mieux que l’ancien ministre de l’Intérieur, héritier du blairisme et "social-libéral" revendiqué, serait en mesure d’incarner cette purge aux accents churchilliens ?

Le retour des "pros"

Le choix de Valls l’indique, François Hollande n’entend pas changer de politique. Il prétend au contraire l’assumer plus clairement. Et ce sera d’autant plus envisageable que Manuel Valls incarne aujourd’hui cette autorité, ce professionnalisme de l’action publique, qui fait tant défaut depuis 22 mois au couple exécutif. C’est là l’autre grand procès fait par les électeurs à la gauche au pouvoir, celui d'un insupportable amateurisme, fait de couacs permanents et de divisions incessantes, qui en venait ces derniers temps, dans une frange croissante de l’opinion, à faire douter de la légitimité du gouvernement. Valls remplaçant Ayrault, c’est la fin du temps des Branquignols, et le retour des "pros" aux affaires. Tel est le premier, sans doute le principal, message de cette nomination.

Alors, certes, la politique économique et sociale du nouveau gouvernement ne sera ni plus tendre, ni plus généreuse, que celle du précédent. Elle sera même sûrement plus douloureuse encore, ce qui légitimera les protestations de la gauche du PS, des Verts et bien entendu, des partisans de Jean-Luc Mélenchon. Ces efforts à venir ne conduiront pas la cote de popularité du président à remonter rapidement. On peut même songer plus sûrement que celle de Manuel Valls va commencer à s’effriter. Mais au moins le nouveau Premier ministre est-il supposé incarner et indiquer ce cap que Jean-Marc Ayrault fut en peine de définir depuis le printemps 2012.

"Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup", disait la grand-mère de Martine Aubry. Avec le pacte de responsabilité, l’engagement pris de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros et Manuel Valls à Matignon, mamie Aubry est rassurée : il n’y a plus de loup. Pas sûr pour autant qu’il restera encore de la galette en 2017. Hollande, en miettes, n’avait plus le choix : ce n’est pas son hypothétique réélection dans trois ans qui est désormais en jeu, c’est la présence même d’un candidat de gauche au second tour de la présidentielle.


Renaud Dély - Le Nouvel Observateur

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