sábado, 29 de março de 2014

Le FN, de la préférence nationale à la « préférence communale » . Marine Le Pen détaille au "Monde" sa stratégie de conquête du pouvoir. / Le Monde.


Le FN, de la préférence nationale à la « préférence communale »

Les villes que les candidats FN vont gagner ne seront pas « des laboratoires idéologiques », a affirmé Marine Le Pen au lendemain du premier tour de l'élection municipale. A l'approche du second tour, les cadres du parti veulent éviter les parallèles avec les précédentes expériences de gestion communale par le Front national. Mais si les termes employés ne sont plus les mêmes, l'idéologie semble être assez proche, tendant à instaurer une discrimination locale.
Comme en 2014, le FN espérait prouver, en 1995, qu'il est capable de gérer des villes. Mais la stratégie était différente. Les élus avaient pour ambition d'appliquer localement le programme du parti qui allie sécurité, préférence nationale et baisse de la fiscalité. Les expériences les plus poussées ont été réalisées à Toulon et Vitrolles (Bouches-du-Rhône).

Dans cette dernière a été mise en place, en 1998, une prime de 5 000 francs attribuée « aux enfants français nés de parents européens ». Cette expérience avait alors été jugée par le tribunal de Marseille illégale et la maire Catherine Mégret condamnée pour « discrimination » et « incitation à la discrimination ».

Cette condamnation, l'actuel candidat FN à Fréjus, David Rachline, bien placé pour remporter la ville, la trouve anormale et il semble apprécier cette idée de « préférence nationale ». Dans un livre publié en 2008 (Jeunes Nationalistes d'aujourd'hui, signé Christian Bouchet, candidat à Nantes) que L'Express a retrouvé, M. Rachline explique que la prime de naissance est la « condition indispensable d'une politique familiale digne de ce nom » et qu'il est « scandalisé de ces persécutions politiques, judiciaires et financières, ce qui [l']amena à [s']intéresser de près à l'action politique et militante, pour ensuite adhérer au Front national ».

Mais, il assure, toujours à L'Express, que ce n'est pas dans son programme municipal. « La prime à la naissance ne fait pas partie de mes propositions », affirme-t-il, estimant, cependant, « injuste qu'on accuse Catherine Mégret de racisme ». Il suit ainsi les directives de Marine Le Pen qui a promis de « respecter la loi » bien qu'elle déclare aussitôt : « Nous la changerons quand nous serons au pouvoir. »

DES TERRITOIRES AUTONOMES À PROTÉGER

Les candidats aux municipales 2014 n'ont donc pas fait campagne sur ce concept de « préférence nationale » et privilégient les questions d'emploi, de sécurité ou de fiscalité. Ils veulent ainsi apparaître proches des préoccupations locales, économiques et sociales, et laisser entendre qu'il seront des protecteurs pour leurs administrés face aux « dégats de la mondialisation ».

Pourtant, on trouve dans les programmes et les tracts des références à cette idéologie. Dans ces documents, plusieurs candidats laissent penser qu'ils veulent gérer leurs communes comme s'il s'agissait de territoires autonomes à protéger de l'extérieur.

Sur le plan sécuritaire, ils veulent gagner en autonomie avec, notamment, le renforcement de la police municipale. En passe de devenir le maire de Béziers (44,88 % des voix au premier tour), Robert Ménard, par exemple, soutenu par le FN, a un programme bien fourni sur le sujet. Il propose le doublement des effectifs des forces de l'ordre ainsi que leur équipement avec des « armes de poing et [des] pistolets à impulsion électrique, type Taser ». Mais aussi le développement de la « vidéoprotection nomade », de brigades spécialisées…

Il préconise également de favoriser certaines formes de délation en développant « un site Internet pour permettre aux citoyens d'informer en temps réel la police municipale d'actes d'incivilité ou de nuisances diverses » de « soutenir des initiatives comme « Voisins vigilants » avec l'ensemble des comités de quartiers » ou encore de développer une « application « alerte aux quartiers » pour téléphone portable qui permet de signaler pour les inscrits la présence d'individus suspects dans un quartier ». Tout cela pour un coût estimé par lui-même à « 600.000 euros ». Mais c'est, dit-il, « plus utile et moins cher qu'un bâtiment, un « cube », pour faire du rap ou du slam »…
UNE DÉCLINAISON DE LA PRÉFÉRENCE NATIONALE

S'il faut protéger les citoyens communaux dans leur territoire, il faudrait surtout, à lire les programmes des candidats FN et du Rassemblement bleu Marine, réaffirmer les frontières. De l'idée de préférence nationale est donc née celle de « préférence communale ». Peu d'entre eux emploient cette expression dans leurs programmes. On le retrouve davantage dans certaines déclarations et dans des tracts électoraux.

Dans le Bulletin d'informations du Rassemblement bleu Marine de mars 2014, de la liste Pontault bleu Marine, menée par Christophe Bertin (25,4 % au premier tour), à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), et sur son site Internet, on trouve ce point inscrit dans le chapitre « Les priorités municipales » : « Instaurer la “préférence communale” (marchés publics : les entreprises locales d'abord). »

Le candidat FN de Six-Fours (Var), Frédéric Boccaletti, qui s'est qualifié au second tour avec 29,51 % des voix, prônait lui aussi, fin 2013, cette « préférence communale », mais, cette fois-ci, dans l'attribution des logements sociaux. C'est le même qui expliquait, en octobre 2011 : « (…) Je ne fais que défendre la préférence locale qui n'est, rappelons-le, qu'une déclinaison de la préférence nationale défendue par le FN depuis toujours. »

APPLICATION AUX DOSSIERS ÉCONOMIQUES

Damien Guttierez, candidat FN à La Seyne-sur-Mer (qualifié pour le second tour avec 26,27 % des voix) dans le Var, expliquait ainsi son programme, en 2013 : « La nouvelle municipalité seynoise répondra d'abord aux demandes de logement de celles et ceux qui sont nés ou installés à La Seyne-sur-Mer et le leur attribuera, sous condition, publiquement. »

Ce concept, les candidats FN l'appliquent aussi dans les dossiers économiques. Pour lutter contre le chômage dans leurs villes respectives, il faut, expliquent-ils, privilégier l'emploi des chômeurs locaux. Par exemple, dans une interview donnée à Ouest-France, fin février, Serge Michelini, candidat à Bayeux (11,33 %) dans le Calvados, reconnaît que « les communes n'ont pas un grand pouvoir pour créer de l'emploi », mais il préconise tout de même de simplifier « les démarches administratives » pour rendre le « territoire plus attractif » et affirme que la « priorité doit être donnée aux chômeurs bayeusains ».

Cette protection des administrés et du territoire municipal va pour beaucoup d'entre eux de pair avec l'arrêt ou la maîtrise des constructions « des logements sociaux (…) occupés par des familles étrangères », explique Frédéric Boccaletti. Mais aussi, l'« expulsion des familles délinquantes » du territoire communal pour « le bien-vivre social ».


Marine Le Pen détaille au "Monde" sa stratégie de conquête du pouvoir


Propos recueillis par Abel Mestre et Caroline Monnot
Marine Le Pen veut parachever la stratégie dite de « dédiabolisation » de son mouvement. Pour cela, la présidente du FN a besoin d'un « bilan » politique à mettre en avant. Ainsi, elle dresse une feuille de route pour ses futurs maires et conseillers municipaux et place la barre très haut : ils devront être vertueux, respectueux de l'opposition et « tenir leurs promesses ».
Quel bilan tirez-vous du premier tour des municipales ?

Marine Le Pen : Un bilan très positif. Nous avons rempli nos objectifs : plus de 500 listes, et nous aurons plus de 1 000 conseillers municipaux à l'issue du second tour. Nous avions envisagé plus de quinze villes gagnables, nous en avons effectivement une quinzaine.

Il y a une grande leçon dans ce scrutin : la nécessité de l'implantation. D'autant plus que l'implantation se fait par cercles concentriques et on l'a démontré dans le bassin minier. D'une ville où l'implantation est faite, ce sont quinze ou vingt villes qui peuvent, la fois suivante, avoir des candidats.

Votre positionnement « ni droite ni gauche » n'est-il pas une impasse qui vous empêche de passer des alliances ?

Pas du tout. C'est ce qu'attendent les Français. Dans notre électorat, il y a des déçus de l'UMP et des déçus du PS. Nous sommes à l'année zéro d'un grand mouvement patriote, ni de droite ni de gauche, qui fonde son opposition avec la classe politique actuelle sur la défense de la nation, le rejet de l'ultralibéralisme, de l'européisme, capable de transcender les vieux clivages pour poser les vraies questions : est-on dans une vision nationale ou postnationale ? J'espère que cela apparaîtra de manière claire lors des élections européennes.

Pour vous, le FN pourra prendre le pouvoir seul ?

On passe par une tripolarisation de la vie politique française. Or, sauf à passer à une VIe République, la Ve va imposer à nouveau une bipolarisation, c'est la logique des institutions. Cela se fera entre l'UMPS d'un côté et le Front national-Rassemblement Bleu Marine de l'autre.

Est-ce l'étiquette FN ou vos idées qui empêchent des militants UMP de vous rejoindre ?


Non, le seul plafond de verre que l'on a encore, et qui est en train de sauter, est de ne pas pouvoir montrer ce que l'on est capable de faire. C'est-à-dire, un bilan. C'est ce qui nous manque. C'est important. Je n'entends pas refuser cet obstacle. C'est grâce à ce bilan que l'on passera à un stade supérieur.

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